Les petites histoires liées à la création de chaque Sanqua.

J’ai failli m’arracher les cheveux plusieurs fois pendant la rédaction de l’article sur les tendances du Tokyo Games Show. Comme ça, cet article peut paraître anodin, simple et relativement facile à écrire.

C’est oublier que personne n’a jamais écrit de truc semblable, et que les données à ce sujet, bien que trouvables, sont éparpillées dans 10 000 endroits différents, et c’est bibi qui a dû aller chercher tout ça pour en faire un article. Allez, je souhaite partager avec vous quelques secrets de fabrication.

Les posters de chaque TGS

Ouais, fastoche, vous vous dites sûrement. Il suffit de faire une recherche « google images » pour tomber dessus ! Oui et non. Pour la plupart des TGS des dernières années, cela suffit effectivement. Mais pour les TGS des années antérieures, c’était l’enfer. Il fallait déjà passer sur google japon pour en trouver quelques uns en plus, et ensuite, trouver le moyen de pêcher les derniers. La bonne réponse se trouvant dans les archives du web d’anciennes pages (japonaises) et des liens sur les TGS antérieurs sur le site du TGS actuels, liens qui sont évidemment cachés désormais et inaccessibles si l’on ne fouille pas dans les recoins de la page « tgs » en japonais de wikipedia. L’enfer, je vous dit. Mais désormais, elles sont toutes là.

 

 

La dure réalité des chiffres

Là encore, un simple graphique page 50, qui montre le nombre d’exposants revenants au TGS à chaque édition… par rapport à ceux qui n’y repassent pas. Encore une fois, très clair, mais pour en arriver là, j’ai dû:

  • lister TOUS les exposants ayant jamais participé aux précédents TGS (à partir des listes de chaque TGS). Rien que ca, ça prend des heures et des heures…
  • vérifier lesquels participaient à chaque édition en mettant des petites croix en face des années de participation
  • re-vérifier que certaines sociétés n’aient pas changé de nom entre temps, ou fusionné, pour ne pas fausser les statistiques établies
  • faire enfin quelques petits calculs pour pondre les chiffres qui sont à l’origine du graphique.

Oui, tout ça pour ça !

 

J'ai beau dézoomer à fond, vous ne voyez là qu'une toute petite partie du tableau utilisé pour pondre les chiffres nécessaires au graphique. C'est 5 fois plus long.

 

 

L’évolution des grandes surfaces au TGS

Attention, ça va devenir folklo ! Pour cette partie là, aucune donnée disponible, bien entendu… si ce n’est les éléments suivants:

  • la taille totale de l’exhibition et le nombre de halls
  • les plans de chaque TGS avec la répartition des stands de chaque société

Avec ces deux éléments, je calcule d’abord une estimation de la taille d’un seul hall. Ensuite, je prend tous mes plans de chaque TGS et je fais en sorte de les « normer » pour que tous les halls apparaissent avec la même dimension. Ceci étant fait, je dessine un grand carré, sous forme de calque, qui recouvre la surface du grand hall que je viens de calculer. Puis, je créé des rectangles (encore des calques) qui sont des subdivisions de ce carré : un demi, un tiers, un sixième, un douzième, etc… dont je peux là aussi facilement calculer la surface (puisque ce sont des divisions du grand carré). La dernière étape consiste alors à mesurer les stands de chaque boîte par rapport à ces subdivisions… et à les classer en ordres de taille.C’est un travail manuel de longue haleine, puisqu’il faut positionner chaque calque sur chaque stand pour vérifier sa taille. Imaginez la chose: il y a à peu près une bonne trentaine de stands importants sur chaque plan de TGS, et il y a plus d’une douzaine de plan disponibles pour couvrir toutes les années depuis 1998. Ah, j’oubliais de préciser que les plans des années antérieures sont fort difficiles à trouver, mais ça, vous pouvez vous l’imaginer…

Donc, un travail de fou pour un tout petit graphique de rien du tout au final. Mais ça, c’est de l’exclu 100% Sanqua, cela va sans dire.Tout cela pour tester des hypothèses, je précise que ça a une utilité.

お疲れ様です。

Voilà, ce sont les trois points qui ont sans doute demandé de loin le plus de travail sur cet article, avant d’arriver aux conclusions que vous avez pu lire. Merci en tout cas à ceux qui ont apprécié cet article, vous en savez désormais un peu plus sur le « making of ».

Vous avez été nombreux à plébisciter l’article qui revenait sur la création et la fin de la Dreamcast.

En tant que sujet pour « Inachevé », nous sommes toujours, à la base, pragmatiques. Ce que j’entends par là, c’est que nous ne commençons pas à traiter d’un tel sujet en ayant d’ores et déjà une vision très claire de la raison pour laquelle la Dreamcast s’est plantée. Au contraire, le point fort de cette rubrique réside sans doute dans le fait que nous essayons de revenir avec des yeux neufs sur un sujet déjà maintes et maintes fois abordé par d’autres magazines et sites. En fait, de nombreux avis sont visibles ici ou là, mais la plupart du temps, il ne s’agit que d’opinions ou d’intuitions vaguement argumentées. Très rares sont ceux qui cherchent des données pour soutenir leur vision des choses, et comme vous le savez désormais, c’est là que Sanqua souhaite se positionner : des arguments basés sur des faits, et des chiffres si possible.

A partir de là, vous pouvez comprendre que la première étape, après la definition du plan général de l’article, va consister à partir à la pêche aux données et aux infos. Comme je m’en suis, pour cette fois, directement occupé, je peux vous dire que tout y passe: articles professionels, articles d’amateurs, opinions sur des sites, des fora… interviews, bios des créateurs… wikipedia… youtube…et même les relevés annuels des années fiscales de SEGA de l’époque. Croyez-moi, ils sont parfois difficiles à trouver (et c’est là qu’on s’aperçoit que Google, c’est un peu du caca… même si ça aide, c’est encore loin d’être parfait). Je mélange facilement des sources en trois langues : anglais, francais et japonais. Mine de rien, le côté japonais apporte des infos souvent difficiles à trouver dans les sphères occidentales, même si j’admets ne pas pouvoir y consacrer la majeure partie de mon temps. Pour la chasse aux chiffres, je consulte souvent vgchartz, et là je m’attaque aux taches fastidieuses, c’est à dire copier des chiffres générés semaines par semaine pour les ventes de hardware, et les corréler avec les ventes de softs. Pour faire un graphe qui compare la sortie de la Dreamcast avec les autres consoles, ça va donc prendre beaucoup de temps.

Je consulte aussi volontiers les archives des news de l’époque, pour pouvoir me replacer dans le contexte. Comprendre comment la console était perçue avant sa sortie, pendant et après. Il s’agit de recoller les pieces du puzzle.

Une fois tous ces documents rassemblés, la phase la plus longue commence : l’analyse.

Comment faire un sens de tout ça, et surtout, quelles sont les meilleurs hypothèses à retenir pour expliquer le plantage de la console ?

 

 

Ma méthode consiste à regrouper les informations par thèmes : je regroupe les differentes infos au sujet du hardware ensemble, celles au sujet des jeux d’un autre côté, celles au sujet de la concurrence encore ailleurs, etc… histoire de construire une sorte de mini-histoire pour chaque thème. Et qui parle d’histoire parle de protagonistes. La plupart des gens qui expliquent l’échec de la Dreamcast se bornent à considerer des arguments relativement évidents, mais très peu parlent finalement de « politique interne » et oublient complètement que la machine est conçue et vendue par des hommes, des têtes pensantes de l’entreprise. Et l’échec a souvent ses origines dans des erreurs de jugement, surtout dans le cas de la Dreamcast où la console en elle-même n’avait rien de véritablement problématique.

C’est ainsi, que, de fil en aiguille, j’ai pu reconstituer ce qui a vraisemblablement du se passer en interne à Sega en piochant des infos retrouvées à droite et à gauche et en les mettant en parallèle, ce qui n’avait jamais été fait ailleurs. La Dreamcast était donc déjà morte au niveau de la politique interne bien avant son arrêt sur le marché.

Enfin, pour bien maîtriser mon sujet, j’ai racheté une Dreamcast (jap) d’occaz’, pour y rejouer et me remettre en mémoire ce que cette console était à l’époque. Ceci m’a permis de faire diverses observations, une fois la bécane en main, que je n’aurais vraisemblablement pas pu faire autrement.Même si celles-ci ne finissent pas forcément dans l’article.

Un article comme celui-là finit par faire 40 pages « brutes », une fois toutes les informations collectées et les arguments écrits, avec les liens logiques entre chaque. C’est bien évidemment trop long (sauf peut-être pour un bouquin) et il faut alors tailler dans le gras. Enlever les détails moins importants, les faits qui ne servent pas à démontrer quoi que ce soit, les arguments trop faibles ou insuffisamment défendables… pour arriver à quelque chose comme 15-20 pages. Et même là, on est encore loin d’avoir fini. Il faut rendre l’article fluide, faire en sorte qu’il soit lisible, pas chiant, et que les arguments ressortent facilement dans le texte (sans même que la mise en page n’existe encore).

Et là, je compte sur la méthode de Flaubert : déclamer l’article à haute voix pour se rendre compte si cela sonne bien ou non. Il faut de multiples relectures pour aboutir à un niveau satisfaisant.

Une fois ce niveau atteint, l’article circule pour relecture finale dans l’équipe. Je reçois quelques commentaires, soit encore au niveau du contenu (par exemple, parler de tel ou tel truc en plus), soit au niveau du style, de la rédaction, et bien entendu des fautes d’orthographe.

L’article étant presque finalisé, la chasse aux images continue pour commencer à l’intégrer avec la mise en page. Certaines images sont parfois difficiles à trouver (comme celles d’un des deux architectes de la console), mais avec un peu d’acharnement, on en trouve (si on est pas trop regardant côté résolution). L’intégration finale et la disposition des images sur chaque page donne encore lieu à de nombreux essais avant d’aboutir au résultat que vous voyez. Une fois l’article quasiment fini, une dernière relecture a lieu pour confirmer qu’il ne reste pas de fautes de frappe, de mots qui se coupent d’une page à l’autre, ou de conneries de ce genre.

Ce sont des détails, qui, mine de rien, font la différence.