Les petites histoires liées à la création de chaque Sanqua.

La plupart des magazines ou éditions en ligne traitent souvent les images comme étant de simples illustrations du propos textuel. Par exemple, sur les sites de jeu vidéo, on vous met des screenshots au milieu et à la fin de l’article, un peu pour remplir et donner un aperçu de l’aspect visuel, même si ce n’est pas vraiment en relation avec le propos de l’article lui-même. Même si les raisons en sont compréhensibles (fainéantise, paresse, manque de temps), ce qui est véritablement sous-jacent, c’est la place accordée aux illustrations: elles n’ont pas vraiment de rôle précis et sont plutôt là pour donner un peu de couleur à un pavé de texte qui serait un poil trop terne sans.

Soit.

Dans Sanqua, nous essayons de prendre une approche un peu différente : celle de considérer les images ou illustrations comme apportant une valeur ajoutée au propos. Servant à mettre en valeur certains points précis, pour rendre la lecture plus vivante et ajouter des commentaires qui complémentent le propos ou permettent d’explorer certains points davantage en détail.

Ca explique aussi pourquoi le rédacteur et l’illustrateur sont souvent la même et unique personne. Non pas par seulement par « manque de moyens ». Non, c’est voulu. La recherche d’images ou d’illustrations se faisant par le web, elle produit des effets secondaires tout à fait inattendus: en cherchant des images bien précises, il nous arrive plus souvent que l’inverse de tomber sur des articles qui nous donnent de nouvelles informations, de nouvelles perspectives à explorer.

Parfois nous tombons même sur des images de manière fortuite, qui révèlent des relations, des connivences que l’on ne soupçonnait pas au départ. Les exemples dans un article comme « Inachevé » ne manqueraient pas, mais je reviendrai en détail sur l’étendue de ces découvertes après la sortie de SPARK3.

Et quelque part, ce sont des choses qui vous font apprécier le médiocrité relative des moteurs de recherches: leurs résultats absurdes deviennent parfois complémentaires malgré eux.

Pour toutes ces raisons, nous avons et continuerons de traiter l’illustration comme partie intégrante de la rédaction du propos. Même si la mise en page reste encore « centralisée » par soucis de consistance visuelle, elle est réalisée avec la supervision de l’auteur avant toute publication pour faire en sorte que les illustrations soient là où elles auront le plus d’impact.

Au-delà de l’aspect visuel, l’effort investi dans la recherche de la visualisation des propos porte ses fruits aussi bien pour les lecteurs que pour le contenu propre de l’article.

C’est ce qu’on appelle du win-win.

Je souhaitais revenir sur un point essentiel pour ce post: le bénéfice du travail en mode “analogique”. Sous le terme “analogique”, se cache tout ce qui ne consiste pas à rentrer des données dans un ordinateur, sous quelque forme que ce soit. Ecrire sur un papier, sur un tableau blanc, tagger son mur, c’est analogique, par exemple. Avec la propension actuelle à voir des tonnes de matos informatique dans tous les coins où l’on travaille (et même sur soi, 24h sur 24, avec ces foutus téléphones portables), la tentation est grande de se mettre à travailler sur l’écran pour commencer toute tâche: on y gagne en spontanéité, mais… c’est, pour beaucoup de choses, très improductif.

L’arme secrète de Sanqua: le stylo.

Quand j’étais gosse, presque personne n’utilisait les ordinateurs pour faire quoi que ce soit. Les gamins jouaient aux lego, dessinaient sur des grandes feuilles de papier, faisaient des pliages, des coloriages… les adultes écrivaient des rapports avec des machines à écrire, où les corrections étaient difficiles à effectuer… et même si je commençais à jouer devant un ordinateur probablement vers l’âge de 5 ans, je gardais toujours un désir de création sur des objets physiques, tangibles.

Contrairement au papier ou à l’ardoise, il reste encore très difficile sur ordinateur, d’expérimenter avant de passer à la phase d’exécution. Ouais, je sais, les derniers adeptes de la branchouille utilisent leur super iPad2 pour faire des gribouillis, mais pour moi rien ne remplace un bon bloc note, un petit carnet qu’on travaille facilement sur soi, disponible sans batterie à tout moment. Et quand je travaille sur Sanqua, donc, je suis un peu obligé de faire du va-et-vient entre la création physique et virtuelle. Il est par exemple plus facile de faire des corrections ou des annotations sur un papier que sur un écran. Vous pouvez y mettre des flèches, gribouiller des petits dessins, y insérer des symboles à votre guise… l’ordinateur est davantage un maillon productif de la chaîne, très utile quand vous savez exactement ce que vous devez y faire. Un peu comme une machine à écrire moderne… à laquelle on aurait ajouté des fonctions « undo » pour à peu près tout. Mais tout travail sur écran reste quand même très rigide, et peu propice aux élans de créativité.

Idées balancées en vrac, sur un jet d’article.

Et quand on s’applique justement à effectuer un travail créatif de qualité, il est essentiel de revenir aux post-its, au papier, au tableau, au crayon, pour organiser les idées d’une manière la plus flexible qui soit. Car notre cerveau ne fonctionne pas ligne par ligne, pixel par pixel. Pour Sanqua, le travail commence souvent par beaucoup de griffonnage sur un petit carnet, sous forme d’idées jetées rapidement sur le papier avant qu’elles ne disparaissent (car comme les pensées, elles sont très volatiles !), et tout le long de la « production » d’un numéro, je fais un effort conscient de revenir en mode analogique dès que possible. Les premiers jets de texte, par exemple, sont imprimés pour être relus, révisés, déclamés, retravaillés, réorganisés avec un stylo à la main. Les fautes d’orthographes, elles, sont corrigées le plus souvent non pas sur l’écran, mais une fois l’article imprimé, car la résolution du papier les rend soudain bien plus visibles. Quant à l’organisation et la disposition des éléments de la maquette, elle demeure difficilement réalisable directement devant l’écran, la souris à la main. C’est là encore sur base des jets textuels intégrés au squelette (sous forme de blocs de texte) qu’il faut œuvrer pour définir la maquette sur papier, la concevoir pour faire en sorte que les illustrations soient au bon endroit, à la bonne dose.

C’est ainsi que plusieurs sociétés reconnues pour leur capacité à innover fonctionnent, d’ailleurs. Chez Apple, tous les murs sont placardés de tableaux blancs, pour inciter les gens à travailler constamment en analogique. Même les parois des ascenseurs subissent le même traitement, de peur qu’une bonne idée ne passe sans pouvoir être notée. J’ai aussi entendu dire qu’Amazon suivait ce genre de pratiques.

Pour ceux qui travaillent donc souvent sur ordinateur, je conseille de décrocher de l’écran un peu plus souvent pour goûter aux outils traditionnels qui ont fait et continueront à faire leur preuve.

  1. Pour tout le travail conceptuel, préférez le mode analogique. Ne jamais commencer feuille blanche devant un écran.
  2. Quand vous êtes très clair, dans votre tête, que vous avez défini sur un brouillon vos idées, votre concept, et avez organisé votre raisonnement, vous pouvez commencer à passer sur ordinateur.
  3. Dans la mesure du possible, réévaluez votre travail à la lumière de l’analogique (par impression interposée) le plus souvent possible pour éclaircir le plus gros des corrections et quitter le « contexte » de l’écran. Revoyez votre travail dans un autre endroit… dans un café, sur votre sofa, dehors sur la terrasse pour ceux qui disposent d’un peu d’espace.
  4. Pour la finalisation, retour sur ordinateur pour appliquer les corrections et y mettre la finition nécessaire.

Voilà, même si Sanqua arrive chez vous sous forme numérique, sachez que derrière cette façade d’octets se cache en fait beaucoup de travail à la main, de nombreuses pages imprimées puis broyées pour aboutir à cette version « numérique »

.Il n’est jamais trop tard pour bien faire…

Et ce n’est donc pas pour rien que nous prétendons vraiment que Sanqua est un « magazine », et non un blog ou un site tout court.

La différence, c’est l’artisanat dans les coulisses.